Manuel de Philo de Poche d’Epictète #11
Citation
Ne dis jamais de quelque chose « je l’ai perdu », mais seulement « je l’ai rendu ». La mort de votre enfant? Il a été rendu. La mort de votre femme? Elle a été rendue. « On m’a pris ma ferme ». Très bien, elle aussi a été rendue. « Mais le ravisseur est un scélérat! ». Que t’importe par qui celui qui te l’avait donné te l’ait réclamé? Tant qu’il te le laisse, prends en soin comme quelque chose qui ne t’appartiens pas, comme les voyageurs prennent soin de leur auberge.
Commentaire
On nous dit qu’après la mort de l’Empereur Marc Aurèle, le peule ne s’est pas plaint et a dit que Marc-Aurèle n’avait pas été perdu mais plutôt retourné aux Dieux. Cela semble comme une allusion à ce passage. Cela peut aussi nous rappeler « Nu je suis venu du ventre de ma mère, et nu je repartirais. Dieu donne et reprend; puisse le nom de Dieu être loué » (Job 1:21).
Épictète décrit cette idée comme « voir toutes les choses comme si elles nous étaient seulement prêtée par la Nature« . Cela signifie garder à l’esprit que toutes les choses sont impermanentes et changeantes, et résister à la forte envie d’agir comme si nous les possédions ainsi pour toujours. L’Homme sage sait que tout change et que rien ne dure pour toujours. Ainsi quand il reçoit quelque chose dans la vie dont il est reconnaissant, il anticipe le fait qu’un jour elle ne sera plus.
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Mise en pratique
Il faut se rappeler que les Stoïciens croient en un Dieu, et il peut être difficile, voir impossible, pour un athée de considérer que « Dieu vous donne des choses ». Malgré tout cette idée peut être très utile même si on ne croit pas à une « intervention extérieur » qui donne ou prend.
Les choses externes à nous-mêmes (les objets matériels mais aussi les autres êtres vivants) font parties de la catégorie des « choses sur lesquelles nous n’avons aucun contrôle » (voir Manuel de Philo #1), et ne peuvent donc pas vraiment nous appartenir pour toujours et sans changement. S’accrocher à elles est une grande source de souffrance pour nous. Lâcher-prise par anticipation sur ce qu’on « possède » et qu’on devra « rendre » est un bon moyen de diminuer cette souffrance. Même si on ne pense pas « rendre à Dieu », mais « en être privé un jour ».
Savoir que l’on va perdre des choses/personnes qui nous sont chères, c’est aussi une façon de mieux profiter d’elles tant que cela nous est possible. Il faut se souvenir qu’un jour il sera trop tard.