Manuel de philo de poche d’Épictète 2.

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2e semaine d’1 année avec Épictète:

Citation:

Souviens-toi que le vœu du désir est d’obtenir ce dont il a le désir, que le vœu de l’aversion est de ne pas tomber sur l’objet de son aversion. Or, celui qui n’obtient pas ce qu’il désire est infortuné, et celui qui tombe sur l’objet de son aversion est malheureux. Si donc tu n’as en aversion, dans ce qui dépend de toi, que ce qui est contraire à la nature, tu ne tomberas sur aucun objet d’aversion. Mais si tu as de l’aversion pour la maladie, la mort ou la pauvreté, tu seras malheureux.

Retire donc ton aversion de tout ce qui ne dépend point de nous, et reporte-là, dans ce qui dépend de nous, sur tout ce qui est contraire à la nature. Quant au désir, supprime-le absolument pour l’instant. Car si tu désires quelques-unes des choses qui ne dépendent pas de nous, nécessairement tu seras malheureux. Et quant aux choses qui dépendent de nous et qu’il est beau de désirer, il n’en est aucune qui soit encore à ta portée. Borne-toi seulement à tendre vers les choses et à t’en éloigner, mais légèrement, avec réserve et modération.

Commentaire:

Les Stoïciens croient que quand on juge une chose comme étant intrinsèquement « bonne », nous la désirons naturellement. Et cela implique le désir de l’atteindre. De l’autre coté, lorsque nous jugeons une chose comme étant « mauvaise », nous développons contre elle une aversion et le désir de l’éviter.

Quand nos désirs et aversions sont contrariés, nos vies en sont affectées, donc nous devons être très prudent sur ce que nous désirons ou voulons éviter. Les Stoïciens focalisent sur « éviter de mal faire des choses qui sont sous leur contrôle direct ». Ils ne jugent pas les revers extérieurs (ie extérieur à ce que nous contrôlons) d’une manière très négative, car ils ne se tiennent pas pour responsable d’échecs qui ne seraient pas sous leur contrôle direct.

Curieusement, Épictète préconise qu’au début de « leur vie philosophique », les « novices Stoïciens » ne désirent pas trop fort atteindre la vertu. La vertu, ou sagesse dans un sens plus moderne, serait inatteignable de prime abord. Il vaudrait mieux apprendre à choisir des objectifs sans attacher une trop grande valeur aux résultats. Et ainsi s’entraîner à ne pas mettre en jeu des émotions fortes de désirs ou d’aversions.

La phrase « avec réserve » vient d’un important concept technique, dans la philo Stoïcienne, parfois appelé « clause de réserve« . Cela veut dire entreprendre une action tout en gardant à l’esprit « Si Dieu le veut », « si le destin le permet » ou si « rien ne vient contre ». En gardant cela en tête, les Stoïciens se préparent à accepter le succès comme l’échec, avec équanimité (avec égalité d’humeur ndt). Ainsi ils sont capable d’entreprendre une action dans le monde, sans devenir émotionnellement affligés par d’éventuels revers.

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Mise en pratique:

La clause de réserve est un élément hyper important, utilisable tout le temps au quotidien: à chaque fois que vous prenez une décision, prenez le temps de penser que, si l’action initiale est bien de votre responsabilité, le résultat ne dépend pas que de vous. Initiez l’action comme si elle allait aboutir, réussir, avoir l’effet que vous souhaitez, mais préparez-vous psychologiquement à un éventuel échec. Le fait d’y penser à l’avance permet d’entrevoir des plans B, d’attacher moins d’importance à l’événement, de rester plus serein en cas d’échec (ou juste en cas de changement au fil du temps, d’ajustements non désirés ou imaginés).

Personnellement, de prendre ne compte à chaque souhait la clause de réserve me permet beaucoup de lâcher-prise sur des choses très concrètes: ne pas s’énerver lorsque le colis de ma guitare préférée est perdu par le transporteur. Je l’ai commandé le dimanche en me disant « je l’aurais mercredi, si tout va bien ». Je ne m’énerve pas lorsque j’apprends que je ne vais la recevoir que vendredi. Ça me m’empêche pas de mettre en œuvre des actions rapidement, et de manière plus efficace que si je m’étais laissée emporter par mes émotions (je contact le transporteur avec un ton décidé, mais poli, qui me garantit plus de résultats que si je lui avais bêtement hurlé dessus ma frustration).

Autre exemple avec les enfants: on prévoit une sortie géniale où tout seras pour le mieux dans le meilleur des monde, « si tout va bien ». Au moment de partir, pour de mauvaises raisons les enfants sont ronchons (si ça se peut 😉 ), ou il pleut, ou la voiture est en panne, ou on a perdu les clés, ou quelqu’un s’invite chez vous… La liste d’événements perturbateurs peut être longue. Et bien tant pis, on lâche-prise, on ne s’énerve pas, on ne pleure pas, on ne crie pas sur les enfants: on change son fusil d’épaule! On remet la sortie à plus tard. On puise en soi les ressources pour changer de programme. On cherche à trouver le meilleur dans ce qui nous arrive à la place.

Vous avez raté le Manuel de philo de poche 1? A lire ici!

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